Péridurale et allaitement maternel : quels sont les effets ?

Des études ne montrent pas d’effet

Une revue a analysé 23 études scientifiques sur l’effet de la péridurale sur l’allaitement [2]. Ils ont comparé l’allaitement de femmes ayant eu une péridurale à celles n’en ayant pas eu et les résultats sont controversés.

 

Parmi ces 23 études, 11 ont révélé que la péridurale n'était pas impliquée dans des résultats négatifs sur l'allaitement.

Pas d’effet sur une étude de 56 nouveaux-nés

Par exemple, une étude a évalué les comportements d'allaitement à l'aide de l'échelle de comportement d'allaitement des prématurés (Preterm Infant Breastfeeding Behavior Scale) chez 56 nouveau-nés en bonne santé [3]. Ils n’ont constaté aucune différence entre les nouveau-nés dont la mère avait reçu une péridurale et ceux dont la mère n'en avait pas reçu en matière de prise du sein ou de succion néonatale, et ce 1h et 24h après l'accouchement. Ils ont également mesuré les niveaux de bupivacaïne et de fentanyl dans le sang du cordon ombilical et n'ont trouvé aucun effet significatif sur les variables de l'allaitement. Une cause possible de l'absence de résultats significatifs peut être due à la très faible dose de bupivacaïne et de fentanyl utilisée dans cet échantillon.

Pas d’effet sur l’allaitement sur 1054 femmes

Une étude à plus grande échelle a été réalisée pour comparer l’effet de la dose de péridurale. Cette étude a été faite sur 1054 femmes dont une partie a reçu une analgésie péridurale à forte dose, une autre une péridurale spinale combinée avec une dose moyenne, ou une perfusion à faible dose, ou aucune péridurale [4]. Les auteurs n'ont constaté aucune différence entre les groupes en ce qui concerne les taux d'initiation ou la durée de l'allaitement.

Des études montrent un effet négatif

Cependant, 12 études parmi les 23 ont trouvé des effets négatifs de l'analgésie péridurale sur l'allaitement.

Une étude fiable montre des effets négatifs sur la neurologie de l’enfant et l’allaitement

Une étude randomisée en double aveugle a révélé un effet négatif de la dose de fentanyl épidural sur les variables neurologiques 24 heures après la naissance [5]. Après 6 semaines, les femmes ayant reçu une dose élevée de fentanyl étaient plus nombreuses que celles ayant reçu une faible dose à avoir cessé d'allaiter. Ces résultats pourraient s’expliquer par le fait que la haute dose de péridurale a impacté le score neurologique de l’enfant (score NACS), or les enfants qui allaitent facilement ont des scores plus élevés. En effet, la dépression du tonus musculaire du nouveau-né par les opiacés épiduraux entrave la capacité du nouveau-né à prendre le sein. De tels facteurs peuvent empêcher de bons comportements d’allaitement dans les 24 premières heures de vie, ce qui peut inciter la mère à arrêter l'allaitement trop tôt [6].

Une étude sur 1280 femmes montre un risque d’arrêt de l’allaitement

De même, dans une étude portant sur 1 280 femmes, celles ayant subi une analgésie péridurale présentaient une probabilité accrue de difficultés d'allaitement et d'allaitement partiel au cours de la première semaine du post-partum. Elles étaient également plus susceptibles d'arrêter l'allaitement au cours des 24 premières semaines par rapport aux femmes n'ayant pas subi d'analgésie [7]. En moyenne, une autre étude observe 1.4 fois plus de risque d’arrêter l’allaitement avant 6 mois si on a eu une péridurale [8].

Comment expliquer les résultats controversés sur la péridurale et l’allaitement ?

Les études comportent des biais :

La prise d’autres médicaments

Par exemple, dans plusieurs études, les femmes des groupes péridurale ont également reçu d'autres médicaments, notamment de la péthidine, dont il a été démontré qu'elle avait un effet indésirable sur l'allaitement [9].

L’utilisation d’ocytocine de synthèse

Par ailleurs, l'utilisation de l'ocytocine de synthèse pour le travail a été associée à 3 fois plus de risque d’une initiation tardive de l'allaitement [10], or la péridurale augmente significativement le risque de recevoir de l'ocytocine de synthèse pour augmenter les contractions et déclencher le travail [11].

Un accouchement vaginal instrumental

Ensuite, la péridurale est associée à une multiplication par 4 des accouchements vaginaux instrumentaux [12]. Les lésions tissulaires causées par les lacérations dues à l'accouchement instrumental peuvent prendre du temps à se réparer, ce qui peut retarder le contact peau à peau immédiat entre le nourrisson et la mère. Pendant le contact peau à peau du post-partum précoce, le nouveau-né initie l'allaitement, induisant la libération d'ocytocine maternelle nécessaire à la production de lait.

Une fatigue liée au travail

La péridurale augmente également la seconde phase de travail [13], ce qui peut fortement fatiguer la maman et retarder l’initiation de l’allaitement.

Le soutien est un facteur négligé mais pourtant très important.


Les études qui montrent une diminution de la durée de l’allaitement pour les femmes ayant eu une péridurale regardent les résultats à 6 semaines voire 6 mois. Or après la sortie de l'hôpital, de nombreux nouveaux facteurs peuvent venir troubler le tableau de la réussite de l'allaitement, par exemple le manque de soutien social, la présence de frères et sœurs, ou la nécessité pour la mère de reprendre le travail.

 

De nombreuses études n'ont pas pris en compte d'autres facteurs susceptibles d'influencer la réussite de l'allaitement, tels que les pratiques hospitalières en matière de soutien à l'allaitement, la disponibilité de lait infantile et le moment de l'initiation de l'allaitement après l'accouchement.

 

Un environnement hospitalier fortement favorable à l'allaitement (par exemple, le recours à des consultants en lactation) peut être en mesure de compenser, au moins partiellement, les effets négatifs potentiels de la péridurale sur l'allaitement.

La péridurale peut favoriser l’allaitement dans certains cas

Le stress physiologique écrasant subi par la mère pendant le travail peut causer un stress physiologique au fœtus, ce qui peut retarder l'initiation de l'allaitement du nourrisson à la naissance [14]. La péridurale préserve la réponse bénéfique du fœtus au stress du travail et inverse les changements physiologiques et biochimiques négatifs de la mère pendant le travail [15]. De fait, la péridurale peut exercer une influence positive sur l'allaitement.

 

D'autre part, pour les personnes qui n'ont pas recours à la péridurale, il est possible que, si la douleur du travail est intense et n'est pas prise en charge de manière appropriée, la douleur de la mère dépasse sa capacité à y faire face, ce qui entraîne une souffrance potentielle. La souffrance pourrait alors entraîner des problèmes pendant le travail et le post-partum, ce qui pourrait rendre l'allaitement plus difficile pour la mère.

Conclusion

En résumé, les résultats de la recherche sur ce sujet sont très controversés. Les péridurales sont des outils très efficaces de gestion de la douleur pendant le travail, et de nombreux facteurs peuvent affecter la réussite de l'allaitement. Il est possible que la péridurale soit l'un de ces facteurs, de façon directe si la dose est élevée, ou de façon indirecte en augmentant les accouchements instrumentaux, l’administration d’ocytocine de synthèse, la durée du travail, etc.

 

Il est probable que les soignants puissent annuler l'effet négatif potentiel de la péridurale sur l'allaitement en apportant un soutien important à la mère et au bébé. Par exemple, en fournissant un soutien très intensif à l'allaitement, un contact immédiat peau à peau, un temps non perturbé pour la première séance d'allaitement et un soutien de la part de consultants en lactation certifiés.

NOS SOURCES

[1] Kpéa, Laure, Marie-Pierre Bonnet, Camille Le Ray, Caroline Prunet, Anne-Sophie Ducloy-Bouthors, et Béatrice Blondel. « Initial Preference for Labor Without Neuraxial Analgesia and Actual Use: Results from a National Survey in France ». Anesthesia and Analgesia 121, no 3 (septembre 2015): 759‑66.        10.1213/ANE.0000000000000832    

[2] Cynthia A. French, Xiaomei Cong, et Keun Sam Chung, « Labor Epidural Analgesia and Breastfeeding: A Systematic Review », Journal of Human Lactation 32, no 3 (1 août 2016): 507‑20.        10.1177/0890334415623779    

[3] Sharon Radzyminski, « The Effect of Ultra Low Dose Epidural Analgesia on Newborn Breastfeeding Behaviors », Journal of Obstetric, Gynecologic, and Neonatal Nursing: JOGNN 32, no 3 (juin 2003): 322‑31.        10.1177/0884217503253440    

[4] M. J. A. Wilson et al., « Epidural Analgesia and Breastfeeding: A Randomised Controlled Trial of Epidural Techniques with and without Fentanyl and a Non-Epidural Comparison Group », Anaesthesia 65, no 2 (février 2010): 145‑53. https://doi.org/10.1111/j.1365-2044.2009.06136.x

[5] Yaakov Beilin et al., « Effect of Labor Epidural Analgesia with and without Fentanyl on Infant Breast-Feeding: A Prospective, Randomized, Double-Blind Study », Anesthesiology 103, no 6 (décembre 2005): 1211‑17.        10.1097/00000542-200512000-00016    

[6] Cynthia A. French, Xiaomei Cong, et Keun Sam Chung, « Labor Epidural Analgesia and Breastfeeding: A Systematic Review », Journal of Human Lactation 32, no 3 (1 août 2016): 507‑20.        10.1177/0890334415623779

[7] Siranda Torvaldsen et al., « Intrapartum epidural analgesia and breastfeeding: a prospective cohort study », International Breastfeeding Journal 1, no 1 (11 décembre 2006): 24.        10.1186/1746-4358-1-24    

[8] Jennifer J. Henderson et al., « Impact of Intrapartum Epidural Analgesia on Breast-Feeding Duration », The Australian & New Zealand Journal of Obstetrics & Gynaecology 43, no 5 (octobre 2003): 372‑77.        10.1046/j.0004-8666.2003.t01-1-00117.x    

[9] Cynthia A. French, Xiaomei Cong, et Keun Sam Chung, « Labor Epidural Analgesia and Breastfeeding: A Systematic Review », Journal of Human Lactation 32, no 3 (1 août 2016): 507‑20.

[10] Ingela Wiklund et al., « Epidural Analgesia: Breast-Feeding Success and Related Factors », Midwifery 25, no 2 (avril 2009): e31-38.        10.1016/j.midw.2007.07.005    

[11] Anim‐Somuah, Millicent, Rebecca MD Smyth, Allan M Cyna, et Anna Cuthbert. « Epidural versus non‐epidural or no analgesia for pain management in labour ». The Cochrane Database of Systematic Reviews 2018, no 5 (21 mai 2018): CD000331.        10.1002/14651858.CD000331.pub4    

[12] J. L. Hawkins et al., « A Reevaluation of the Association between Instrument Delivery and Epidural Analgesia », Regional Anesthesia 20, no 1 (février 1995): 50‑56.

[13]  Zhang, Jun, Helain J. Landy, D. Ware Branch, Ronald Burkman, Shoshana Haberman, Kimberly D. Gregory, Christos G. Hatjis, et al. « Contemporary Patterns of Spontaneous Labor With Normal Neonatal Outcomes ». Obstetrics and gynecology 116, no 6 (décembre 2010): 1281‑87.        10.1097/AOG.0b013e3181fdef6e    

[14] Anne Montgomery et and The Academy of Breastfeeding Medicine Hale Thomas W., « ABM Clinical Protocol #15: Analgesia and Anesthesia for the Breastfeeding Mother, Revised 2012 », Breastfeeding Medicine 7, no 6 (1 décembre 2012): 547‑53.        10.1089/bfm.2012.9977    

[15] M. Westgren, S. G. Lindahl, et N. E. Nordén, « Maternal and Fetal Endocrine Stress Response at Vaginal Delivery with and without an Epidural Block », Journal of Perinatal Medicine 14, no 4 (1986): 235‑41.        10.1515/jpme.1986.14.4.235

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FAQ

Quels sont les inconvénients de la péridurale ?

La péridurale aide à diminuer les douleurs mais elle peut s’accompagner d’effets secondaires, comme une augmentation du risque de déchirure périnéale ou encore un ralentissement de la seconde phase de travail.

Pourquoi ne pas prendre la péridurale ?

La péridurale peut ne pas être prise au vu des effets secondaires graves potentiels. Par ailleurs, en ce qui concerne l’allaitement, les résultats sur la péridurale sont controversés.

Comment accoucher sans douleur sans péridurale ?

Il existe d’autres alternatives naturelles pour diminuer la douleur. Par exemple, vous pouvez accoucher dans l’eau ! Sinon on retrouve l’hypnose, ou encore la masturbation comme anti douleur…