Endométriose et fatigue : comment faire ?

Par Bertille Flory

 

La fatigue est un symptôme largement sous-estimé de l’endométriose qui affecte pourtant la majorité d’entre elles et est assez peu étudié dans la littérature scientifique.[1] Ainsi, selon une étude suisse qui date de 2018, 50,7 % des femmes atteintes d’endométriose souffriraient de fatigue chronique[2]. Selon l’enquête réalisée par l’association Endofrance c’est 54 % d’entre elles[3].

Avec les dyspareunies (douleurs lors de l’acte sexuel) et l’infertilité, la fatigue est donc dans le trio de tête des plus communément retrouvés chez les femmes atteintes d’endométriose.

Cette fatigue affecte profondément la qualité de vie des femmes atteintes de la maladie. Elle est également associée, selon cette même enquête d’Endofrance, à la multiplication par sept de l'insomnie, à la multiplication par quatre de la dépression, à deux fois plus de douleurs et une fois et demie plus de stress dû à la vie professionnelle.

Pourquoi fatigue et endométriose sont-elles associées ?

L’endométriose est une maladie chronique inflammatoire. C’est en premier lieu cette inflammation qui cause la fatigue. Mais d’autres facteurs, comme les traitements et leurs effets, le fait de gérer la douleur ou le stress associé à la maladie, rentrent également en ligne de compte.


L’inflammation
 

Dans toute maladie chronique inflammatoire, la fatigue fait partie des symptômes communément retrouvés. L'inflammation correspond à un ensemble de réactions générées par le corps en réponse à une agression. La fatigue fait partie de ces réactions. En effet, l'inflammation, perçue par le corps comme une anomalie et surtout comme une priorité à régler, mobilise toutes les ressources nécessaires afin de revenir vers un état d'homéostasie (équilibre du corps maintenu quelles que soient les contraintes externes) au plus vite. C’est la raison pour laquelle le corps est fatigué quand il vit une inflammation.
 

La fatigue chronique est due au fait que le système immunitaire de la personne malade combat en permanence la maladie.
 

Lors d’une grippe où le système immunitaire combat le virus pour s’en débarrasser, la personne grippée ressent une très forte fatigue pendant quelques jours. Avec l’endométriose, cette fatigue ne passe pas car le corps ne parvient pas à supprimer les lésions.
 

Dans le cas de l’endométriose, l’inflammation chronique est générée par la présence des lésions d’endométriose (nodules, kystes, implants, constitués de cellules ressemblant aux cellules de l’endomètre, la paroi qui tapisse l’intérieur de l’utérus) à des endroits du corps où ces cellules ne devraient pas être présentes.
 

Gérer la douleur épuise les réserves d’énergie
 

Les douleurs pompent beaucoup d'énergie. En effet, pour gérer les douleurs, la femme la femme puise dans ses réserves d’énergie. Et étant donné que l’endométriose est une maladie chronique dont les symptômes sont constants ou reviennent régulièrement, il n’y a pas de temps de récupération pour l’organisme.
 

D’autant que, bien souvent, les douleurs affectent la qualité du sommeil et empêchent les femmes atteintes d’endométriose de récupérer correctement la nuit.
 

Le stress et l’inquiétude sont aussi des pourvoyeurs de fatigue
 

Le stress et l'inquiétude peuvent également être de grandes sources de fatigue. En tant que malade chronique, les femmes atteintes d’endométriose doivent gérer les incapacités générées par la maladie (devoir s’absenter professionnellement, ne pas pouvoir se déplacer facilement, devoir s’organiser en fonction de ses crises).


La charge mentale liée à la maladie et qui fatigue inévitablement est aussi due au fait qu’il faut gérer les traitements, les rendez-vous médicaux avec les spécialistes et les thérapeutes complémentaires, etc.
 

Pourquoi le stress génère-t-il de la fatigue ?

En situation de stress, le corps libère une hormone appelée adrénaline qui permet de réagir à la situation de danger qui se présente en fuyant ou en combattant et ainsi augmenter les chances de survie. Cela fait appel à des mécanismes déjà très anciens qui permettaient aux hommes préhistoriques d’échapper à leurs prédateurs.


Aujourd’hui, le stress auquel les êtres humains sont confrontés est bien plus souvent fictif (stress d’arriver en retard, de participer à une réunion de travail, etc.) mais le cerveau ne fait pas la différence avec le danger réel et les mécanismes biologiques mis en œuvre dans le corps restent les mêmes. En effet, en situation de stress, le cœur, le cerveau et les muscles deviennent des organes prioritaires au détriment d’autres processus biologiques (comme la digestion ou la fertilité) qui sont mis au ralenti. Une fois que le danger passe, le corps sécrète du cortisol, qui neutralise l'adrénaline.
 

Ce sont les glandes surrénales qui sécrètent l’adrénaline et le cortisol. Cette situation, qui a tendance à se répéter beaucoup plus fréquemment aujourd’hui car le stress est constant / chronique, risque de conduire à un dérèglement de l'activité des surrénales. En effet, le stress chronique ne laisse pas au corps le temps de récupération nécessaire afin de procéder à l'auto-régulation, et risque d'engendrer une détérioration du fonctionnement des surrénales à long terme, ce qui induira également une fatigue de plus en plus présente.
 

Il est également important de noter que les surrénales produisent également les hormones permettant de métaboliser la progestérone. C'est donc au détriment du métabolisme de la progestérone que se fait la libération de l’adrénaline et du cortisol, en situation de stress. Et la progestérone est une hormone clé pour apaiser les douleurs d’endométriose…

La faiblesse hépatique peut également être source de fatigue


Un foie qui fonctionne moins bien est une des autres causes de la fatigue chronique.
Le foie remplit différentes fonctions :
- il aide à bien digérer ou synthétiser des vitamines
- il aide également à « éliminer » une partie des « déchets » de l’organisme
- il aide à métaboliser les œstrogènes pour s’en débarrasser


S’il est faible, comme souvent en cas d’endométriose, il n’arrive pas bien à « éliminer » ce qui doit l’être. Ces « déchets » accumulés viennent alors encombrer le corps, ce qui a pour conséquence de réduire l’efficacité de son fonctionnement et engendrer de facto la fatigue.
 

A l’ensemble de ces causes, on peut également ajouter les effets secondaires de certains traitements médicaux (pilule ou ménopause artificielle) et la convalescence des chirurgies.

L’endométriose fait partie des causes contribuant au syndrome de la fatigue chronique

Plusieurs études ont montré que l’endométriose était une pathologie très fréquemment associée au syndrome de fatigue chronique[4].


Le syndrome de fatigue chronique est une maladie neurologique caractérisée par une fatigue prolongée qui vient nuire au fonctionnement quotidien des personnes qui en sont atteintes.
 

Cet état peut apparaître soudainement chez quelqu’un en bonne santé sans que les causes exactes puissent être clairement déterminées.
 

Les problèmes gynécologiques, parmi lesquels l’endométriose mais aussi les kystes ovariens, les ovaires polykystiques, les fibromes utérins, la galactorrhée, sont fortement impliqués dans cette maladie[5].

Que faire face à cette fatigue chronique ?

La fatigue chronique due à l’endométriose n’est pas une fatalité. Il existe des solutions pour retrouver sa vitalité.


Adapter son hygiène de vie pour soutenir son système immunitaire et mettre en place de nouvelles stratégies pour organiser son quotidien sont des pistes à explorer.

Réduire la fatigue de l'intérieur grâce au sommeil

Il va de soi qu’un sommeil adapté en quantité et en qualité est indispensable pour lutter contre la fatigue.


Concernant la quantité, il est important de se coucher à heures régulières en suivant les recommandations générales pour un bon sommeil (noir complet, pas d’écran, température inférieure ou égale à 19°C dans la pièce, etc.) est indispensable pour être certaine de bien dormir. Le corps aime la routine et les habitudes. Chaque femme a des besoins de sommeil différents mais la durée du sommeil ne doit être inférieure à 7h par nuit au risque de ne pas pouvoir récupérer suffisamment.
 

Concernant la qualité, elle est bien souvent altérée par les douleurs et autres symptômes ainsi que les inquiétudes entourant la maladie. Arriver à détendre son corps ET son esprit grâce à différentes méthodes (méditation, cohérence cardiaque, body scan, mantras) est indispensable pour que la nuit soit réparatrice.
 

La pratique de la sieste peut également être envisagée si le besoin s’en fait sentir ou que les nuits sont vraiment chaotiques à cause des différents symptômes.

Adapter son alimentation pour trouver toutes les ressources nécessaires au fonctionnement de son organisme

La fatigue peut également provenir d’une alimentation non adaptée. Bien souvent, les femmes atteintes d’endométriose adoptent un régime restrictif, de nature anti-inflammatoire ou sans gluten ou sans Fodmaps par exemple, de manière à limiter les symptômes (douleurs, problèmes digestifs de type ballonnements, diarrhée, endobelly, etc.).


Si ces modes d’alimentation peuvent être très utiles dans ce cadre, il est important de veiller à ce qu’ils permettent tout de même d’avoir une alimentation suffisamment riche en nutriments (vitamines, minéraux, acides aminés) pour permettre au corps de récupérer et de fonctionner de manière optimale.
 

Il est ainsi indispensable de manger beaucoup de légumes, de fruits, de légumineuses, de bons gras (huile riches en oméga 3, avocat, petits poissons gras) et de limiter voire de bannir l’alimentation transformée qui est la plupart du temps de très mauvaise qualité nutritionnelle (produits bas de gamme qui contiennent à la base peu de nutriments, qui sont très raffinés, chauffés, transformés et donc perdent encore une partie de leurs nutriments) et qui contiennent énormément de sucre pour améliorer le goût qui du fait de la faible qualité n’est bien souvent pas au rendez-vous.
 

Il est d’ailleurs très important d’éviter le sucre raffiné (sucre en poudre mais également le sucre contenu dans les jus de fruit, les confitures, les glaces, les barres chocolatées, etc.) car il génère des pics de glycémie et donc des coups de pompe.

Les nutriments clés

Parmi les nutriments à privilégier pour donner de l’énergie au corps avec l’endométriose, on retrouve :
- les omégas 3 longue chaine EPA et DHA que l’on retrouve dans l’huile d’onagre, l’huile de colza ou les petits poissons gras
- les polyphénols (resvératrol et quercétine notamment)
- le magnésium
- la vitamine C
- les probiotiques
- la vitamine D
- la vitamine E
- le sélénium
- les vitamines B3 et B9
- la curcumine
- et le zinc


La prise de compléments alimentaires doit être encadrée et discutée avec un-e médecin ou un-e naturopathe.

Chouchouter son foie

Prendre soin de son foie pour retrouver de l’énergie avec l’endométriose est très important. Parmi les astuces qui peuvent être mises en place, on retrouve l’utilisation d’une bouillotte chaude placée sur l’estomac après le repas.


L’utilisation de plantes hépatoprotectrices en tisane ou teinture mère est également très utile : le chardon-marie ou l’artichaut.
 

Enfin, par le biais de l’alimentation, il est également possible de prendre soin de cet organe fondamental dans le bien-être avec l’endométriose : les crucifères ou brassicacées doivent tenir une place de choix dans l’alimentation ainsi que tous les légumes amers.

Réduire le stress

Le stress est un grand pourvoyeur de fatigue comme expliqué précédemment. Trouver des méthodes qui permettent de le diminuer permet d’économiser son énergie et de limiter la fatigue.


Voici quelques idées :
- méditer
- s’offrir de vrais moments pour soi au travers d’un bon livre, d’un bain ou de tout autre activité permettant de faire le vide des inquiétudes
- appeler un-e amie
- marcher dans la nature
- écouter de la musique

Enfin : bouger. Se mettre en mouvement permet d’oxygéner le corps et de l’aider dans son travail de régénération naturel. Par ailleurs, le fait de bouger aide à calmer les pensées et le stress. En effet, le mouvement permet de sécréter deux types d’hormones : des endorphines et de la sérotonine qui ont une action anti-stress
 

Le mouvement permet également, d’une part, de passer de meilleures nuits et, d’autre part, de réveiller la vitalité dans la journée.
 

Avec l’endométriose, il est conseillé de pratiquer des sports doux (marche à pied, yoga doux, qi gong, etc.) et d’éviter les sports violents qui accentuent l’inflammation et donc potentiellement la fatigue.

Quels sont les outils pour gérer au mieux ses journées ?

La théorie des cuillères, un outil pour gérer son énergie en fonction de ses ressources


Inventée par Christine Miserandino[6] (atteinte de lupus, maladie chronique auto-immune), la théorie des cuillères est une métaphore utilisée pour illustrer la gestion de l’énergie physique et mentale dont disposent les personnes atteintes de maladies chroniques.
 

Chaque activité du quotidien consomme une ou plusieurs « cuillères », qui représente une unité d'énergie, sachant que les personnes ayant une fatigue chronique ne disposent chaque jour que d'un nombre limité de cuillères.
 

Une personne atteinte de maladie chronique doit donc choisir et sélectionner ses activités, parfois considérées comme anodines (se lever, s'habiller, faire un déplacement), en fonction de la quantité de cuillères dont elle dispose, tandis qu'une personne valide dispose d'un nombre illimité ou bien supérieur de cuillères.
 

Cette stratégie permet aux femmes atteintes d’endométriose d’organiser au mieux leur journée afin de minimiser les risques d’épuisement.
 

Mieux connaître son cycle menstruel pour mieux organiser son énergie durant le mois
 

Pour les femmes qui sont sous cycle naturel, il est possible d’exploiter les différentes énergies vécues au cours du cycle menstruel afin d’adapter le rythme et les activités aux capacités effectives du corps.

 

Cet article a été écrit par Bertille Flory. 

Vous pouvez la retrouver sur son site : https://www.endholistic.fr/ 

NOS SOURCES

[1] Ramin-Wright A, Schwartz ASK, Geraedts K, Rauchfuss M, Wölfler MM, Haeberlin F, von Orelli S, Eberhard M, Imthurn B, Imesch P, Fink D, Leeners B. Fatigue - a symptom in endometriosis. Hum Reprod. 2018 Aug 1;33(8):1459-1465. doi: 10.1093/humrep/dey115. PMID: 29947766.        10.1093/humrep/dey115    

[2] Ramin-Wright A, Schwartz ASK, Geraedts K, Rauchfuss M, Wölfler MM, Haeberlin F, von Orelli S, Eberhard M, Imthurn B, Imesch P, Fink D, Leeners B. Fatigue - a symptom in endometriosis. Hum Reprod. 2018 Aug 1;33(8):1459-1465. doi: 10.1093/humrep/dey115. PMID: 29947766. https://doi.org/10.1093/humrep/dey115

[3] EndoFrance, Gedeon Richter et Ipsos, Enquête sur le parcours des femmes souffrant d’endométriose, juin 2020

[4] Boneva RS, Lin JS, Wieser F, Nater UM, Ditzen B, Taylor RN, Unger ER. Endometriosis as a Comorbid Condition in Chronic Fatigue Syndrome (CFS): Secondary Analysis of Data From a CFS Case-Control Study. Front Pediatr. 2019 May 21;7:195. doi: 10.3389/fped.2019.00195. PMID: 31179251; PMCID: PMC6537603.        10.3389/fped.2019.00195    

[5] Harlow BL, Signorello LB, Hall JE, Dailey C, Komaroff AL. Reproductive correlates of chronic fatigue syndrome. Am J Med. 1998 Sep 28;105(3A):94S-99S. doi: 10.1016/s0002-9343(98)00173-9. PMID: 9790489.        10.1016/s0002-9343(98)00173-9    

[6] https://cdn.totalcomputersusa.com/butyoudontlooksick.com/uploads/2010/09/La-Theorie-des-cuilleres.pdf

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FAQ

Comment vaincre la fatigue liée à l'endométriose ?

Le plus important, mais également le plus difficile, va être d’essayer de gérer son stress… Il existe un cercle vicieux entre le stress et la fatigue, plus on stress plus on se fatigue, plus l’on est fatiguée et plus l’on est facilement stressée…

Pourquoi l'endométriose fatigue ?

L’endométriose est une maladie chronique inflammatoire. C’est en premier lieu cette inflammation qui cause la fatigue. Mais d’autres facteurs, comme les traitements et leurs effets, le fait de gérer la douleur ou le stress associé à la maladie, rentrent également en ligne de compte.

Quels sont les symptômes de la fatigue chronique ?

Les symptômes les plus courants sont : 
Troubles de concentration.
Troubles de mémoire à court terme.
Douleurs musculaires.
Douleurs articulaires.
Migraine et maux de tête inhabituels.
Intolérance à l'activité physique.

Comment guérir de l’endométriose ?

  1. L’endométriose se soigne mais ne guérit pas.
  2. Il n’existe pas aujourd’hui de traitements définitifs de l’endométriose, même si l’hormonothérapie et/ou la chirurgie peuvent contenir l’évolution de cette maladie durant plusieurs années selon les cas.
  3. Tant que toutes les lésions ectopiques n’ont pas été supprimées chirurgicalement, la maladie peut récidiver et se propager à d’autres tissus.
  4. La grossesse ou l’allaitement, si elles entraînent un retour de couche tardif, améliorent temporairement l’endométriose, offrant ainsi des périodes de rémission.
  5. L’endométriose diminue et disparaît généralement après la ménopause.
  6.  Il est cependant possible que les symptômes persistent même après la ménopause, si les adhérences et les tissus cicatriciels sont importants.