Alcool et allaitement - conseils

La consommation d’alcool est strictement interdite pendant la grossesse, de nombreuses études montrent leurs effets sur la santé. Mais alors, est-ce la même chose pendant l’allaitement ? Oui et non. Bien que l’alcool ne soit pas recommandé pendant l’allaitement car il passe dans le lait maternel à des concentrations égales à celles que vous avez dans votre système sanguin, il n’est pas à bannir totalement. Vous pouvez consommer un verre à l’occasion, de façon modérée en respectant certaines conditions pour ne pas prendre de risques, mais il est préférable de ne pas prendre plusieurs verres.

L'alimentation pendant l'allaitement est différente de pendant la grossesse, et c'est également le cas pour l'alcool. 

Alcool et allaitement, les recommandations

La consommation d’alcool pour les mamans allaitantes n’est pas recommandée, mais elle n’est pas complètement interdite pour autant, si elle reste très occasionnelle et modérée. Environ la moitié des femmes allaitantes des pays occidentaux consomment de l'alcool pendant l'allaitement [1]

 

Le Journal Américain de Pédiatrie recommande que l'ingestion de boissons alcoolisées soit réduite au minimum et limitée à une prise occasionnelle. Il est préférable de ne pas prendre plus de 0,5 g d'alcool par kg de poids corporel, ce qui, pour une maman de 60 kg, correspond à environ 6 cL de liqueur, 24 cL de vin ou 2 bières [2].

Quelle quantité d'alcool passe du lait maternel au bébé ?

L'alcool passe librement dans le lait maternel par diffusion, à peu près aux mêmes concentrations que dans le sang maternel, et la concentration diminue linéairement au même rythme que dans le système sanguin [3]

Le métabolite toxique de l'alcool, l'acétaldéhyde, n'est apparemment pas excrété dans le lait, même à des concentrations élevées dans le sang maternel [4]

 

Des études ont montré qu'une prise d’environ 3 verres entraîne une concentration d'alcool dans le lait qui exposerait le bébé à environ 5-6 % de la dose maternelle, si le bébé est allaité au moment où la concentration d'alcool dans le lait est maximale [5]. Il n'est donc exposé qu'à une fraction de la dose d'alcool ingérée par la maman [6]

 

Le niveau d’alcool sanguin va varier en fonction de la dose d’alcool ingéré, du degré alcoolique de la boisson alcoolisée, de sa rapidité d’ingestion, du fait que l’estomac soit rempli ou non et également en fonction de la masse grasse et du poids de la mère. 

 

Pour une maman de 60kg, qui boit un verre de vin standard de 10 cL titré à 12% d’alcool (ce qui est à peu près équivalent à une dose standard de 25cL de bière titrée à 5%), on a un niveau d’alcool dans le système sanguin, et donc dans le lait de 0,27 g d’alcool pur par litre de lait, soit 0,027%, ce qui est moins qu’une boisson considérée sans alcool à 0,05%. 

 

Si un nourrisson de 4kg boit 150 mL de ce lait, son alcoolémie sera de 0,014 g d’alcool par litre de sang (par comparaison le retrait de permis en France pour un jeune conducteur est de 0.2g par litre de sang).

Détails du calcul

Pour une femme de 60kg, qui boit 10cl de vin à 12%, sachant que la densité de l’alcool pur est de 0,8 g/mL et que le coefficient de diffusion est de 0,6 L/kg pour la femme [7], cela produit un niveau d’alcool dans le système sanguin, et donc dans le lait de : 

(100mL*12%*0,8g/mL) / (60kg*60%) = 0,27 g d’alcool pur par litre de lait, soit 0,027%.

 

Si le nourrisson boit 150 mL de lait avec 0.27g d’alcool pur par litre de lait (exemple ci dessus), qu’il pèse 4kg, et qu’on estime qu’il a une composition hydrique totale du corps de 70% [8], le niveau d’alcoolémie du nourrisson sera de : 

(0.15L*0,27g par L) / (4kg*70%) = 0,014 g d’alcool par litre de sang.

Qu’est-ce qu’il faut prendre en compte ?

Mais dire c’est ok, je peux boire tous les jours, car mon lait est moins alcoolisé qu’une bière sans alcool ne tient pas car...

 

Les nouveau-nés métabolisent l'alcool environ deux fois moins vite que les adultes, car ils ont une fonction hépatique limitée. Ainsi, même une petite quantité d’alcool peut fatiguer leur foie. 

 

Le volume sanguin d’un d'un nouveau-né est environ 20 fois moindre que le volume sanguin d’un adulte.

 

L’enfant boit en soit beaucoup plus de lait qu’un verre en quantité (en moyenne, il boit 750mL de lait de 1 à 6 mois et cette dose varie peu jusqu’à ses 12 mois).

 

L’alcool a avant tout des effets sur vous, votre vigilance peut être diminuée et vous pouvez avoir de moins bons réflexes, dans ce cas il est déconseillé de faire du cododo [9]

 

Si vous comptez boire, il faut allaiter avant l’ingestion d’alcool ou attendre le temps nécessaire pour que celui-ci soit éliminé de votre organisme. Vous pouvez également tirer votre lait avant si vous le souhaitez.  

Quel effet de l’alcool sur la production de lait ?

L'allaitement est contrôlé par deux hormones, la prolactine et l’ocytocine. La prolactine stimule la lactation, et l'ocytocine provoque la contraction des cellules musculaires lisses entourant le tissu mammaire, ce qui produit ainsi l'éjection du lait stocké dans le sein. La consommation d'alcool inhibe le réflexe d'éjection du lait, ce qui entraîne une diminution temporaire de la lactation [10]. En effet, l'alcool inhibe de manière dose-dépendante l'ocytocine et donc le réflexe d'éjection du lait.

 

Une étude a montré que la dose de lait exprimée était inférieure de 9,3 % en moyenne dans les deux premières heures suivant la prise d'alcool [11].

Comment l'alcool présent dans le lait maternel affecte-t-il le bébé allaité ?

Bien que votre bébé ne soit exposé qu’à une fraction de la dose d’alcool que vous buvez, cela peut engendrer des risques sur sa santé.

Réduction de la quantité de lait bu

Plusieurs études ont montré que les enfants allaités par des femmes ayant bu de l'alcool avant l'allaitement ingèrent environ 20% de lait en moins au cours des 4 premières heures suivant la prise d'alcool par la mère que dans le cas où la mère ne consomme pas d’alcool [12]. 

 

Cette réduction de la consommation de lait chez les enfants n'est pas due à une aversion pour le goût du lait, mais devrait probablement être attribuée à la réduction de la production de lait après la prise d'alcool [13]. 

Par ailleurs, l’alcool ingéré par les nourrissons peut favoriser un risque d’hypoglycémie [14].

Impacts sur le dodo de bébé

Des impacts notables ont été signalés. En fonction des études, les impacts diffèrent. 

Soit la durée totale de sommeil est inchangée après la consommation de lait contenant de l'alcool, mais il va être divisé en intervalles plus nombreux, mais plus courts. Par ailleurs, la durée de sommeil actif était réduite pendant les 3.5 premières heures, puis augmentée pendant les 20.5 heures suivantes [16].

Le sommeil des enfants est ainsi en moyenne 25 % plus court après l'ingestion de lait contenant de l'alcool mais la durée totale sur 24h est inchangée [17].

Des effets sur le développement psychomoteur du bébé

Une association entre la consommation d'alcool pendant l'allaitement et la diminution du développement psychomoteur a été montrée. Une étude a comparé des femmes consommant au moins quotidiennement deux boissons alcoolisées standards par rapport à des femmes n’en consommant pas. 

Les enfants des femmes ayant la consommation d'alcool la plus élevée ont obtenu des résultats significativement plus bas sur une échelle de développement psychomoteur par rapport aux autres enfants [18]. 

 

Dans les résultats d’une étude, l'exposition à l'alcool par le biais du lait a été associée à des effets négatifs chez les enfants à l'âge de 7 ans, qui conduisent à un diagnostic d'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation. Ces résultats arrivent à la conclusion selon laquelle les femmes qui allaitent devraient éviter de consommer de l'alcool pendant la période d'allaitement, surtout en grandes quantités sur de courtes périodes (binge drinking), et surtout si le bébé a déjà été exposé à l'alcool pendant la période prénatale [19]. 

Est-il possible d’éliminer l’alcool plus vite?

Comme la vitesse d’élimination est constante et ce indépendamment de la concentration en alcool, le fait de boire de l'eau, de se reposer ou de " pomper et jeter " du lait n'accélère pas l'élimination [20]

 

Contrairement à l'urine, qui stocke les substances dans la vessie, l'alcool n'est pas piégé dans le lait, mais est constamment éliminé lorsqu'il se diffuse à nouveau dans la circulation sanguine. Ainsi, la niveau d’alcool présent dans le lait diminuera au fur et à mesure qu’elle diminue dans le système sanguin. La seule façon d’éliminer l’alcool est d’attendre.

Comment savoir si on a éliminé l’alcool de son système sanguin ?

Il est généralement conseillé d’attendre entre 2 et 3h avant de donner son lait pour être sur que l’alcool soit complètement sorti de l’organisme [20].

 

Pour s’assurer de l'élimination complète de l'alcool du lait, les mères peuvent consulter un nomogramme conçu par le programme canadien Motherisk qui permet de déterminer la durée nécessaire en fonction du poids de la maman et de ce qui a été bu [21].

 

Vous pouvez également calculer vous même le temps d’élimination en reprenant le calcul ci-dessus vous permettant d’estimer votre taux d’alcool sanguin et en le divisant par 0,15 (en se basant sur une moyenne d’élimination de l’alcool de 15 mg/dL/h). 

Exemple de calcul

Par exemple, à un taux de 0,27 g/L (soit 1 dose de vin ou 1 bière), il faudrait environ 0,27/0,15 = 1,8h (soit 1h48min) pour éliminer l’alcool.  

Vous pouvez également utiliser dans bandelettes de type Milkscreen, qui permettent de déterminer si votre lait contient de l’alcool ou non. 

 

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NOS SOURCES

[1] Haastrup, Maija Bruun, Anton Pottegård, et Per Damkier. 2014. « Alcohol and Breastfeeding ». Basic & Clinical Pharmacology & Toxicology 114 (2): 168‑73. https://doi.org/10.1111/bcpt.12149.

[2] Breastfeeding, Section On. 2012. « Breastfeeding and the Use of Human Milk ». Pediatrics 129 (3): e827‑41. https://doi.org/10.1542/peds.2011-3552.

[3] Haastrup, Maija Bruun, Anton Pottegård, et Per Damkier. 2014. « Alcohol and Breastfeeding ». Basic & Clinical Pharmacology & Toxicology 114 (2): 168‑73. https://doi.org/10.1111/bcpt.12149.

[4] Kesäniemi, Y. A. 1974. « Ethanol and Acetaldehyde in the Milk and Peripheral Blood of Lactating Women after Ethanol Administration ». The Journal of Obstetrics and Gynaecology of the British Commonwealth 81 (1): 84‑86.

[5] Mennella, J. A., et G. K. Beauchamp. 1991. « The Transfer of Alcohol to Human Milk. Effects on Flavor and the Infant’s Behavior ». The New England Journal of Medicine 325 (14): 981‑85. https://doi.org/10.1056/NEJM199110033251401.

[6] Haastrup, Maija Bruun, Anton Pottegård, et Per Damkier. 2014. « Alcohol and Breastfeeding ». Basic & Clinical Pharmacology & Toxicology 114 (2): 168‑73. https://doi.org/10.1111/bcpt.12149.

[7]« Calcul du taux d’alcool dans le sang ». https://www.permis-de-exploitation.com/

[8] Kearns, Gregory L., Susan M. Abdel-Rahman, Sarah W. Alander, Douglas L. Blowey, J. Steven Leeder, et Ralph E. Kauffman. 2009. « Developmental Pharmacology — Drug Disposition, Action, and Therapy in Infants and Children ». Review-article. Http://Dx.Doi.Org/10.1056/NEJMra035092. Massachusetts Medical Society. World. 7 octobre 2009. https://doi.org/10.1056/NEJMra035092.

[9] « Drinking Alcohol and Breastfeeding ». La Leche League International.

[10] Boron, Walter F., et Emile L. Boulpaep. 2012. Medical Physiology, 2e Updated Edition E-Book: With STUDENT CONSULT Online Access. Elsevier Health Sciences.

[11] Mennella, J. A. 1998. « Short-Term Effects of Maternal Alcohol Consumption on Lactational Performance ». Alcoholism, Clinical and Experimental Research 22 (7): 1389‑92. https://doi.org/10.1111/j.1530-0277.1998.tb03924.x.

[12] Mennella, Julie A., et Gary K. Beauchamp. 1993. « Beer, Breast Feeding, and Folklore ». Developmental psychobiology 26 (8): 459‑66. https://doi.org/10.1002/dev.420260804.

[13] Mennella, J. A. 1997. « Infants’ Suckling Responses to the Flavor of Alcohol in Mothers’ Milk ». Alcoholism, Clinical and Experimental Research 21 (4): 581‑85.

[14] Lamminpää, Anne. 1995. « Alcohol intoxication in childhood and adolescence ». Alcohol and Alcoholism 30 (1): 5‑12.

[15] Mennella, Julie A., et Pamela L. Garcia-Gomez. 2001. « Sleep disturbances after acute exposure to alcohol in mothers’ milk ». Alcohol (Fayetteville, N.Y.) 25 (3): 153‑58.

[16] Mennella, J. A., et C. J. Gerrish. 1998. « Effects of Exposure to Alcohol in Mother’s Milk on Infant Sleep ». Pediatrics 101 (5): E2. https://doi.org/10.1542/peds.101.5.e2.

[17] Little, R. E., K. W. Anderson, C. H. Ervin, B. Worthington-Roberts, et S. K. Clarren. 1989. « Maternal Alcohol Use during Breast-Feeding and Infant Mental and Motor Development at One Year ». The New England Journal of Medicine 321 (7): 425‑30. https://doi.org/10.1056/NEJM198908173210703.

[18] May, Philip A., Julie M. Hasken, Jason Blankenship, Anna-Susan Marais, Belinda Joubert, Marise Cloete, Marlene M. de Vries, et al. 2016. « BREASTFEEDING AND MATERNAL ALCOHOL USE: PREVALENCE AND EFFECTS ON CHILD OUTCOMES AND FETAL ALCOHOL SPECTRUM DISORDERS ». Reproductive toxicology (Elmsford, N.Y.) 63 (août): 13‑21. https://doi.org/10.1016/j.reprotox.2016.05.002.

[19] Koren, Gideon. 2002. « Drinking alcohol while breastfeeding. Will it harm my baby? » Canadian Family Physician 48 (janvier): 39‑41.

[20] Ho, E., A. Collantes, B. M. Kapur, M. Moretti, et G. Koren. 2001. « Alcohol and Breast Feeding: Calculation of Time to Zero Level in Milk ». Biology of the Neonate 80 (3): 219‑22. https://doi.org/10.1159/000047146.

[21]  Koren, Gideon. 2002. « Drinking alcohol while breastfeeding. Will it harm my baby? » Canadian Family Physician 48 (janvier): 39‑41.
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FAQ

Est-ce que l’alcool reste dans le lait maternel ?

L’alcool est éliminé du lait à la même vitesse qu’il est éliminé du sang. Si du vin ou une bière met environ 2h à être éliminé du système sanguin de la mère, cela est également le cas pour son élimination du lait. 

Comment éliminer l’alcool dans le lait maternel ?

Il n’existe aucune solution miracle pour éliminer l’alcool du lait. La seule façon d’éliminer l’alcool de son système sanguin, et donc de son lait, est d’attendre. 

Comment boire un verre et allaiter ?

Si vous savez que vous allez boire, il faut allaiter avant ou tirer son lait en amont pour le donner à son bébé. Sinon, assurez-vous que vous avez éliminé l’alcool de votre lait avant la tétée (voir le nomogramme Motherisk, calculer soi-même son taux d’élimination ou utiliser des bandelettes de type Milkscreen).
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