En 1916, un médecin écrivit “once a cesarean, always a cesarean”, et de là est né la croyance qu’un accouchement par césarienne une première fois entraînait forcément une césarienne les fois suivantes [1]. Cette croyance n’est plus d’actualité !
Accouchement vaginal après césarienne : qu’en disent les études ?
Si vous tentez un AVAC, vous avez environ 70% de chances d'accoucher par voie basse.
Moins de 1% des femmes qui tentent un AVAC ont une rupture utérine.
Les données sur l’accouchement vaginal après césarienne
En France, plus d’un tiers des femmes accouchent par voie basse après une césarienne
Les taux de césarienne pour les femmes ayant accouché plusieurs fois, avec antécédent de césarienne, diminue légèrement entre 2003 (64,4%) et 2010 (64%) [2]. En 2010, en France, parmi les femmes ayant un antécédent de césarienne, 36% ont accouché par voie basse et 64% ont accouché par césarienne [3].
Si vous tentez un AVAC, vous avez environ 70% de chances d'accoucher par voie basse
Si les causes de votre césarienne ne sont pas permanentes (par exemple si ce n’est pas un problème anatomique irréversible tel qu’un bassin trop étroit), il n'y a pas de raison de ne pas essayer d'accoucher par voie basse. Si vous tentez un AVAC, vous avez environ 70% de chances d'accoucher par voie basse, et environ 30% d’avoir une césarienne en cours de travail. Ceci est vrai pour un accouchement vaginal après une césarienne mais également après deux césariennes [4].
L’intérêt de l’AVAC est qu’il est associé à un risque plus faible de morbidité maternelle et à moins de complications pour les mères lors de leurs prochaines grossesses [5].
Les facteurs associés au succès de l’AVAC
Selon les résultats d'études récentes, les facteurs liés affectant la réussite de l'AVAC sont [6]:
- Un âge maternel inférieur à 40 ans
- Un indice de masse corporelle normal
- Un âge gestationnel inférieur ou égal à 40 semaines
- Un intervalle entre les accouchements supérieur ou égal à 2 ans
En outre, moins de 2/5 de la tête fœtale palpable par voie abdominale, une station inférieure à -2 (position de la tête foetale), une dilatation cervicale supérieure ou égale à 4 cm, et une durée de la phase active du travail inférieure ou égale à 7 h seraient significativement associés à la réussite de l'AVAC [7].
La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié des recommandations de bonne pratique sur les indications de césarienne programmée, préconisant la voie basse après une unique césarienne (sauf en cas de cicatrice corporéale) et autorisant celle-ci après deux césariennes. En revanche, à partir de trois césariennes, elle recommande une césarienne programmée [8].
Les contre-indications de l’AVAC
L’AVAC peut être contre-indiqué dans les cas suivants [9]:
Une incision utérine antérieure verticale haute (césarienne avec une incision entre le bikini et le nombril),
Une cicatrice corporéale (l’hystérotomie a été faite sur le corps de l’utérus),
Une rupture utérine antérieure, dans laquelle la cicatrice de césarienne sur l'utérus s'ouvre,
Certains types de chirurgie utérine antérieure, comme l'ablation d'un fibrome,
Être enceinte de triplés ou plus,
Un placenta previa,
Un bébé en position transverse,
Avoir déjà eu 3 césarienne.
Le risque de rupture utérine suite à l’AVAC
Lors d'un accouchement, le segment inférieur de l'utérus s'affine. Il est tout à fait possible que le muscle utérin s'écarte, l'utérus n'est alors plus fermé que par la membrane : il s'agit alors d'une déhiscence du segment inférieur de l'utérus. Dans ce cas, le travail peut se trouver ralenti, conduisant à une césarienne pour arrêt du travail.
Si le muscle et la membrane se déchirent, on parle de rupture utérine complète. Il est à noter qu'en général, on aura d'abord constaté des symptômes de désunion (souffrance fœtale, ralentissement du travail, douleur) indiquant une rupture utérine. On a donc le temps de prendre en charge.
Les ruptures utérines surviennent plus fréquemment à la suite d’une césarienne, trois études analysent que 90% des ruptures utérines surviennent sur des utérus cicatriciels [10][11][12].
La déhiscence et la rupture utérine sont très rares, moins de 0.5% des cas
Une étude américaine, sur près de 26 000 grossesses, montre un taux de ruptures utérines et déhiscence à 0.08% et ce quel que soit le mode d’accouchement [13].
De manière générale, on observe dans la littérature un taux inférieur à 0.5% lors d'une grossesse après une césarienne. Par exemple, une étude montre 0.24% de déhiscences et 0.24% de ruptures après une césarienne [14]. En cas d’utérus uni-cicatriciel, le taux de rupture utérine se situe entre 0.1 et 0.5% [15].
Ces taux ne concernent que des accouchements en milieu hospitalier, il n'existe que peu de données sur des accouchements plus "naturels". Une étude sur les AVACs en maison de naissance trouve un taux de rupture de 0,2% seulement [16].
Quels sont les risques de rupture utérine en cas d’AVAC ?
Une des études les plus importantes sur le sujet est l’étude du lien AVAC et rupture utérine menée dans 19 hôpitaux en Grande Bretagne entre 1999 et 2002, sur des femmes ayant eu 1 césarienne dans le passé [17]:
28% des femmes ont réussi un AVAC
0.7% des femmes ayant tenté un AVAC ont eu une rupture utérine, contre 0% pour celle ayant eu une césarienne programmée. Les transfusions ont été plus fréquentes pour les femmes ayant essayé un AVAC (1.7%) par rapport aux césariennes programmées (1%).
Toutefois, les complications sont plus fréquentes en réalité chez celles qui ont essayé un AVAC puis ont finalement eu une césarienne. 2.3% de cas de rupture utérine parmi les femmes qui ont essayé et ont eu une césarienne en urgence contre seulement 0.1% dans celles qui ont eu un AVAC réussi.
Une autre étude a compilé les résultats de 41 études [18]. Ils ont observé un taux de rupture utérine de 0.47% chez les femmes qui essayaient un AVAC contre 0.03% pour celles directement en césarienne programmée. Cependant, ils ont mis en évidence une hausse du taux de mortalité maternelle pour les césariennes programmées de façon répétée (9.6/100 000 contre 1.9/100 000 dans les grossesses où on essayait l’accouchement par voie basse).
Un AVAC n’est pas recommandé si vous avez un antécédent de rupture utérine [19].
Quels facteurs vont jouer sur le risque de rupture utérine ?
Le type de cicatrice
Les femmes présentant des cicatrices utérines verticales classiques et basses ont un risque accru de rupture par rapport aux femmes ayant eu une incision utérine transversale basse au moment de la césarienne. [20]
Le déclenchement au gel de prostaglandines augmente le risque
Il existe diverses formes de déclenchement au gel, et principalement deux hormones sont utilisées : la dinoprostone également appelée PG2 et le misoprostol. Le misoprostol semble associé avec une élévation du risque par 10 [21]. A noter que le déclenchement au gel est rare en France.
L'utilisation d'ocytocines pour déclencher le travail augmente le risque
Par exemple, une étude montre une augmentation du risque de 4.6 fois [22]. Cependant, une autre étude ne montre pas une augmentation significative de ce risque (0.74% au lieu de 0.45%) [23]. Les recommandations dans les différents pays ne vont pas dans le sens d'une interdiction stricte du déclenchement, mais incitent à une prudence et une surveillance accrue.
L'âge de la mère.
Le risque de rupture est environ 3 fois plus élevé dans le groupe des mères de plus de 30 ans que dans celui des mères de moins de 30 ans [24].
Les facteurs diminuant le risque
Avoir déjà eu un accouchement par voie basse diminue le risque :
Le risque de rupture est 2.5 à 5 fois plus faible selon les études dans le groupe des mères ayant déjà accouché par voie basse, que dans le groupe des mères n'ayant jamais accouché par voie basse [25].
Attendre suffisamment entre les grossesses diminue le risque :
Après 24 mois, le risque de rupture est 2,5 fois plus faible que dans le groupe des AVACs tentés avant 24 mois [26].
Avoir un travail spontané diminue le risque :
Le risque de rupture chez les femmes à terme dont le travail est déclenché est plus élevé (1.5%) que le risque de rupture si le travail commence spontanément (0.8%) [27].
La péridurale, automatique en cas d’AVAC ?
La péridurale comporte des inconvénients classiques qui ne sont pas spécifiques de l’AVAC, tels que :
Une perte de la mobilité (il y a un risque d’augmentation de blocage moteur important, vos jambes peuvent devenir si lourdes et difficiles à bouger que vous ne pouvez plus vraiment bouger la partie inférieure de votre corps [28]),
Un risque de ralentissement du travail (donc un risque de césarienne en cours de travail) (par exemple, une étude a montré que la durée moyenne de la deuxième phase du travail était 2 fois plus longue pour les mères sous péridurale [29]),
Un risque augmenté d'extraction instrumentale (en moyenne sur 23 études on observe une augmentation du risque de 1.4 fois [30]).
De plus, la péridurale nécessitant souvent l'injection d'ocytocines pour "relancer" le travail, cela augmente le risque de rupture utérine. Par ailleurs, sous péridurale, vous risqueriez de ne pas sentir la douleur liée à une pré-rupture utérine. Certaines études montrent une augmentation du risque d’avoir une césarienne à la suite d’une péridurale, toutefois les résultats de ces études ne sont pas toujours fiables [31]. Par exemple, une étude sur plus de 200000 femmes montre qu’une péridurale multiplie par 2.5 le risque d’avoir une césarienne [32].
Les avantages sont, bien sûr, le soulagement de la douleur, mais surtout, si vous deviez subir une césarienne en cours de travail, celle-ci se déroulerait sous péridurale. Vous réduisez donc le risque de subir une césarienne en cours de travail sous anesthésie générale.
Utiliser automatiquement la péridurale en cas d’AVAC
L'une consiste à dire que l'AVAC comportant un risque de césarienne en urgence vitale (rupture utérine sévère nécessitant d'extraire rapidement l'enfant), il est indispensable de poser une péridurale dès le début du travail, afin, en cas de besoin, de pouvoir pratiquer une césarienne sous péridurale, donc sans avoir à recourir à l'anesthésie générale, plus risquée pour la mère.
Il n’est pas nécessaire de réaliser systématiquement une péridurale
L'autre école consiste à dire que pour effectuer une césarienne sous péridurale, il faut de toutes manières ré-injecter du produit dans la péridurale, lequel met quelques minutes à agir. On pourrait donc, dans le même temps, poser une rachi-anesthésie : si le temps manque pour poser une rachi-anesthésie, il aurait également manqué pour ré-injecter du produit dans la péridurale, et on se trouverait dans ce cas dans une vraie indication de césarienne sous anesthésie générale. Imposer la péridurale ne servirait donc à rien.
Les césariennes répétées sont-elles moins risquées ?
En cas de de césariennes répétées, les risques ne sont pas négligeables non plus.
Un risque accru de complications à l’accouchement
Une large étude observationnelle dans 19 centres médicaux a étudié 30 132 césariennes sans travail, sur des mères ayant subi une ou plusieurs césariennes. Les chercheurs ont mis en évidence un risque accru de complications avec le nombre de césariennes (besoin de transfusions, hystérectomie, placenta accreta)[33].
Un risque de placenta praevia
Un placenta praevia est inséré sur le segment inférieur de l’utérus. Une étude trouve un risque 1,5 fois plus élevé de placenta praevia chez les patientes césarisées une fois, 2,5 fois plus élevé chez les patientes césarisées plusieurs fois, et un risque 35 fois plus élevé de placenta accreta chez les mères ayant un placenta praevia, si elles ont été césarisées [34].
Un risque de placenta accreta
Un placenta accreta est un placenta qui est attaché de manière anormalement ferme à l'utérus.
Avoir subi une césarienne et présenté un placenta prævia lors d'une grossesse précédente augmente grandement le risque de placenta accreta. Au moment de la délivrance, il ne s'en détachera pas facilement, ce qui pourra provoquer une grave hémorragie nécessitant soit la ligature des artères irriguant l'utérus, soit l'ablation de celui-ci, auquel cas il ne sera plus possible d'avoir d'autres enfants.
Conclusion
Alors l’AVAC est-il safe ?
Toutes ces informations se ramènent au final à ceci : le risque est très faible mais il n'existe pas de moyen de l'annuler totalement, et en cas de rupture utérine grave, seule la rapidité d'intervention pour pratiquer une césarienne permet de sauver le bébé.
Pour autant, la césarienne itérative n'est pas la solution absolue au problème : certes, elle prévient la morbidité/mortalité foetale due à une rupture utérine massive, mais elle cause d'autres problèmes de morbidité maternelle (une césarienne étant une opération chirurgicale avec ses propres complications) ou foetale (détresse respiratoire notamment). Le choix éclairé appartient à chaque couple.
Toutes ces informations peuvent faire peur, mais il faut se rappeler d’une chose importante : aucune naissance n’est sécurisée à 100%.
La confiance que vous portez dans votre capacité à accoucher par voie basse peut également augmenter vos chances de réussite. Vous devez également avoir confiance dans votre bébé. N'hésitez pas à vous faire aider de toutes les manières possibles : un ostéopathe pourra travailler sur les articulations de votre bassin, faites-vous accompagner par une personne qui vous rassurera sur votre capacité à accoucher par voie basse. Et pourquoi pas un acupuncteur, de l'haptonomie ou du chant prénatal ?