Les résultats de la recherche sur l’effet de la péridurale sur l’allaitement sont très controversés. Les péridurales sont des outils très efficaces de gestion de la douleur pendant le travail notamment, et de nombreux facteurs peuvent affecter la réussite de l'allaitement. Il est possible que la péridurale soit l'un de ces facteurs, de façon directe si la dose est élevée, ou de façon indirecte en augmentant les accouchements instrumentaux, l’administration d’ocytocine de synthèse, la durée du travail, etc.
Allaitement et anesthésie, est-ce compatible ?
La mépéridine et la codéine sont à éviter.
La morphine et l’hydromorphone sont à surveiller.
- 01. Quels sont les composés en anesthésie locale a priori compatibles avec l'allaitement ?
- 02. Quels sont les composés en anesthésie locale à surveiller avec l'allaitement ?
- 03. Quels sont les composés en anesthésie locale à éviter avec l'allaitement ?
- 04. Quels sont les composés a priori compatibles en anesthésie générale pour l’allaitement ?
- 05. Quelles sont les recommandations sur l’allaitement après une anesthésie ?
- 06. Conclusion
Quels sont les composés en anesthésie locale a priori compatibles avec l'allaitement ?
Lidocaïne et bupivacaïne
Cependant, les études récentes ne montrent pas d’effet indésirable de la péridurale sur la composition du lait maternel. Par exemple, une étude montre que les composés lidocaïne et bupivacaïne pour l'anesthésie péridurale sont sans danger pour l'allaitement [1]. A noter que ces composés ne sont pas seulement utilisés pour la péridurale. Par exemple, on utilise la lidocaïne dans les anesthésies dentaires mais également dans des médicaments pour la gorge.
Fentanyl
En ce qui concerne le fentanyl, il n’est pas détecté dans le lait maternel en période post opératoire [2]. Cependant, le fentanyl est lipophile et peut être potentiellement stocké dans le tissu mammaire gras et lentement libéré dans le lait maternel lorsqu'il est utilisé pendant de longues périodes dans l'espace épidural.
Quels sont les composés en anesthésie locale à surveiller avec l'allaitement ?
Morphine
Pour la morphine, elle peut être présente dans le lait maternel (à des concentrations faibles) [3] mais on ne retrouve pas son métabolite dans le plasma des nouveau-nés [4]. Il est conseillé pour la morphine de mettre en place une surveillance fréquente de la mère et du nourrisson pour la sédation et la dépression respiratoire. Une approche plus conservatrice est que les mères peuvent allaiter après l'opération dès qu'elles sont suffisamment alertes pour tenir le nourrisson [5].
L’hydromorphone
L'hydromorphone est environ sept fois plus puissante que la morphine et peut être utilisée pour les douleurs aiguës et extrêmes par voie intramusculaire, intraveineuse ou orale. Il existe des rapports sur son passage dans le lait maternel, le nourrisson allaité recevrait environ 0,67 % de la dose d'hydromorphone administrée à la mère [6]. Hydromorphone est donc à prendre avec précaution et sous surveillance.
Quels sont les composés en anesthésie locale à éviter avec l'allaitement ?
Mépéridine
La mépéridine (un opioïde) doit être évitée en raison d'un risque théorique plus élevé de sédation respiratoire néonatale si elle est prise par des mères qui allaitent pendant la période post-partum. On a signalé des cas de cyanose, de bradycardie et d'apnée après son administration [7].
Codéine
La codéine ne doit pas être utilisée par les femmes qui allaitent suite à des inquiétudes concernant une sédation excessive chez certains nourrissons [8].
Quels sont les composés a priori compatibles en anesthésie générale pour l’allaitement ?
Propofol
Le propofol est un agent utilisé pour l'induction de l'anesthésie. Dans une étude portant sur 21 femmes qui ont reçu une dose de propofol pour une césarienne, les auteurs ont conclu qu’il pouvait être utilisé sur les femmes qui allaitent [9].
Etomidate
De même, l'étomidate a été évaluée dans le lait maternel de mères ayant subi une césarienne et on a observé que le rapport moyen lait maternel/plasma maternel était de 1,2 après 30min. Cependant, la concentration dans le lait maternel a diminué de 75 % à 2 heures et était indétectable à 4 heures. La disparition rapide de l'étomidate suggère qu’il peut être utilisé en toute sécurité lorsque cela est cliniquement approprié pour les mères qui allaitent [10].
Midazolam
Parmi les benzodiazépines, le midazolam est le plus fréquemment utilisé par les anesthésistes. Dans une étude sur des mères allaitantes, on observe 24h après l’anesthésie la présence à 0.004% de la dose maternelle de midazolam dans le lait. Les auteurs ont conclu que l'allaitement ne devrait pas être interrompu en raison de l'utilisation du midazolam [11].
Fentanyl
Le fentanyl en intraveineuse pour une anesthésie générale a une faible biodisponibilité et une courte durée d'action, l'allaitement maternel peut avoir lieu au cours de la période postopératoire lorsque la mère est alerte avec des doses préopératoires raisonnables de fentanyl [12].
Néostigmine et glycopyrrolate
L'association standard pour inverser la paralysie neuromusculaire comprend une anticholinestérase (néostigmine) avec un anticholinergique (glycopyrrolate). Ces composés ne devraient pas passer dans les canaux du lait et les taux dans le lait maternel sont indétectables [13].
Absence de données pour certains
- Kétamine
Il n'existe actuellement aucune étude humaine évaluant le passage de la kétamine dans le lait maternel.
- Gaz volatils
Aucune étude ne mesure les niveaux de gaz volatils dans le lait maternel après l'administration d'un anesthésique volatil. Néanmoins, il existe des preuves que les agents inhalés sont rapidement excrétés et ont une faible biodisponibilité. Cela suggère que les mères peuvent reprendre l'allaitement après une anesthésie par inhalation sans effets délétères pour le nourrisson [14].
- Agents bloquants neuromusculaires
Il n'existe à ce jour aucune étude évaluant le transfert des agents bloquants neuromusculaires dans le lait maternel. On présume que ces agents ne traversent pas les membranes des canaux sang-lait et qu’ils ont une faible biodisponibilité orale ce qui renforce leur sécurité chez les mères qui allaitent [15].
Quelles sont les recommandations sur l’allaitement après une anesthésie ?
Le CRAT
Le CRAT est le centre de référence sur les agents tératogènes. Il indique que “en règle générale, la durée d’action des anesthésiques généraux est brève. Pour la plupart d’entre eux, il n’y a pas de mesure de leur passage dans le lait.” [16]
Selon le CRAT, “après une anesthésie générale chez une femme qui allaite, on peut proposer de reprendre l’allaitement dès que la mère est parfaitement réveillée et en mesure de s’occuper de son enfant.”
L’American Society of Anesthesiologists
L'American Society of Anesthesiologists a publié les recommandations suivantes à l'intention des mères qui allaitent et qui doivent subir une intervention chirurgicale [17] :
+ Tous les médicaments anesthésiques et analgésiques passent dans le lait maternel ; toutefois, ils n'y sont présents qu'en petites quantités et à des concentrations très faibles considérées comme cliniquement insignifiantes.
+ Les narcotiques et/ou leurs métabolites peuvent être transférés dans le lait maternel à des niveaux légèrement plus élevés ; par conséquent, des mesures doivent être prises pour réduire les besoins en narcotiques en ajoutant d'autres analgésiques, le cas échéant, et en évitant les médicaments qui sont plus susceptibles d'être transférés dans le lait.
+ Comme la douleur nuit à la réussite de l'allaitement, les personnes qui allaitent ne doivent pas éviter les analgésiques après une intervention chirurgicale. Malgré d'excellents résultats en matière de sécurité, les personnes qui allaitent et qui ont besoin d'analgésiques narcotiques doivent toujours surveiller de près le bébé pour déceler les signes de sédation : réveil difficile et/ou respiration ralentie.
+ Lorsque cela est possible, une anesthésie spinale ou péridurale composée d'un anesthésique local et d'un narcotique à action prolongée doit être utilisée pour une césarienne afin de réduire les besoins globaux en analgésiques postopératoires.
+ Les mères doivent reprendre l'allaitement dès que possible après l'opération, car les médicaments anesthésiques sont présents en très faibles quantités dans le lait maternel. Il n'est pas recommandé aux femmes de "tirer et jeter".
+ Dans la mesure du possible, la chirurgie de jour est préférable pour éviter de perturber les routines normales [18]. Le parent qui allaite doit être prudent lorsqu'il partage son lit ou lorsqu'il dort en nourrissant son enfant sur une chaise, car il risque de ne pas être aussi réactif que d'habitude.
Conclusion
En résumé, la mépéridine doit être évitée chez la mère qui allaite. L'hydromorphone et la morphine doivent être utilisés avec prudence, sous surveillance. Aucune donnée n’est disponible sur la kétamine pour dire si elle peut être utilisée concomitamment à l’allaitement. Les autres composés peuvent a priori être utilisés pour les mamans qui allaitent.
Étant donné que les données sont limitées, un principe général est que la mère peut reprendre l'allaitement une fois qu'elle est réveillée, stable et alerte après l'anesthésie.